mercredi 15 avril 2015

Plonger avec des machines, l’aventure des sous-marins

D’étranges machines pour des voyages sous-marin

Juillet 1654. Comme tous les jours depuis plusieurs mois, des curieux se pressent sur les quais du port de Rotterdam, en Hollande. Dans la ville, tout le monde attend l’événement. Bientôt, si l’on en croit son constructeur, un curieux bâtiment va s’enfoncer sous les flots. Monsieur De Son ne cache pas sa fierté. Son engin, en forme de cigare, est fait de planches. Il a été enduit de suif et de poix. L’inventeur affirme qu’il pourra se rendre aux Indes en six semaines ou défoncer la jetée du port grâce à la puissance de son moteur... à ressort !
Hélas, l’inauguration n’aura jamais lieu. La veille, De Son s’en alla chercher une mystérieuse pièce manquante. Personne ne le revit...
Plus d’un siècle s’écoule. Le vieux rêve de faire naviguer un bateau sous l’eau n’est pas mort. Il va même se réaliser grâce à l’Américain David Bushnell. Seul dans son appareil en forme d’œuf, la Tortue, il effectue en 1776 le premier voyage sous-marin de l’histoire. Pour se déplacer, Bushnell actionne lui-même deux hélices à l’aide de manivelles. L’une, horizontale, le fait avancer, tandis que l’autre, verticale, l’aide à redresser la Tortue lorsqu’elle s’incline, et à remonter à la surface.



Cette petite merveille était pourtant un engin de mort.

 Des canons habités
A de rares exceptions, les premiers sous-marins se voulaient navires de guerre, invincibles puisque invisibles par l’ennemi. Bushnell, d’ailleurs, transportait dans sa Tortue une charge d’explosif. Il pouvait la fixer sous la coque en bois des navires en la perçant à l’aide d’une vrille.

En 1798, le Nautilus de Robert Fulton vit le jour. Son inventeur prévoyait de le faire avancer sous l’eau avec une manivelle. Mais en surface, le Nautilus voguait... à la voile !
Les années passèrent. Les passionnés de sous- marins travaillaient toujours. Un clergyman anglais, par exemple, tenta de réaliser un monstre mû par une chaudière à vapeur. Son bâtiment sombra avant la fin des essais, en 1879.

Enfin, en 1889, alors qu’à Paris 250 ouvriers assemblaient sans relâche les poutrelles de fer de la future tour Eiffel, Gustave Zédé achevait la mise au point de son sous-marin de guerre, le Gymnote. Propulsé par un tout nouveau moteur électrique, il portait deux torpilles de combat.
Les sous-marins modernes s’inspirent toujours de l’exemple du Gymnote. Peu avant l’attaque, les tubes lance-torpilles sont chargés. Puis on ouvre les panneaux qui protègent l’orifice des tubes, dans le nez du submersible. “Feu !”. Une à une, les torpilles sont expulsées, soufflées comme les fléchettes d’une sarbacane. Leur tête explosive fonce à toute vitesse sous les flots à la rencontre du navire ennemi.

Des châteaux porteurs de bombes

Aujourd’hui, le monstre des mers le plus redoutable est sans doute le sous-marin nucléaire. Si terrible qu’aucun pays n’a encore osé s’en servir vraiment.
Lancée à 45 kilomètres à l’heure, cette carcasse de 130 mètres de long circule en silence dans toutes les mers du globe. Sans repos. A son bord, cuisine moderne, chambres, mini-hôpital, programmes de télévision et activités sportives attendent les 135 marins embarqués. Pendant deux ou trois mois, ils ne remonteront pas à l’air libre.

Cette véritable usine flottante pourrait alimenter en électricité une ville de 20 000 habitants. Et ses chambres frigorifiques seraient capables de geler une patinoire olympique.
Mais surtout, chaque sous-marin nucléaire emporte avec lui 16 engins porteurs de bombes atomiques, les “missiles”. Ils peuvent frapper à des milliers de kilomètres de leur lieu de lancement...
Et si une panne survenait ? Si un sous-marin nucléaire s’échouait sur le fond ? Pour sauver l’équipage, les Américains ont conçu un autre submersible. Un avion spécial le transporte en n’importe quel point de la Terre dans la journée. Ce sous-marin plonge, dit-on, jusqu’à 1 500 mètres de profondeur... et récupère les marins en péril. Mais attention, top secret...

Petites merveilles pour les savants des profondeurs

Au cœur des océans, sous des milliers de mètres d’eau, des montagnes surplombent d’immenses plaines, des volcans surgissent. Dans le noir absolu et éternel des abysses, des cheminées de cauchemar crachent des eaux brûlantes. Autour d’elles, des colonies de crabes profitent de ces oasis de chaleur, des vers de deux mètres de long ondulent en touffes, des moules gigantesques, de 30 à 40 centimètres de diamètre, se multiplient...
Il n’y a pas si longtemps, les hommes croyaient pourtant que les planchers des océans n’étaient que de vastes déserts plats ! Alors, aujourd’hui, comment sait-on qu’il n’en est rien ? Comment connaît-on ces reliefs et ces animaux ? En particulier parce que nous avons pu y aller. Des sous- marins d’exploration descendent au cœur des océans et ils permettent d’observer en direct ce que l’on pouvait déjà imaginer depuis la surface. Inutile de vous dire que ces submersibles sont à la pointe des techniques modernes. De véritables petites merveilles des mers.

En France, ces véhicules prodiges s’appellent Cyana et Nautile. Ils peuvent travailler par 3 000 et 6 000 mètres de fond.
Les savants qui se glissent dans les cabines de pilotage de ces engins manquent souvent de place. Ils s’accroupissent ou se mettent à plat ventre au milieu de dizaines de cadrans. Là, pendant des
heures, dans la trouée des projecteurs, ils filment, arrachent des échantillons de vase...
A la chaleur un peu suffocante du début de la descente succède bientôt le froid des grands fonds. Pour que les chercheurs n’étouffent pas, l’air est continuellement brassé et filtré, puis renvoyé dans la cabine.
Un téléphone ultramoderne relie les explorateurs au navire de surface. Un bateau, en effet, transporte ces petits sous-marins jusqu’à l’endroit de la plongée. Par la suite, lorsqu’ils partent à l’aventure, le navire maintient une liaison permanente avec le submersible.

Scooter et ballon dirigeable sous la mer

Beaucoup de ces engins d’exploration ont été mis au point par l’équipe du commandant Cousteau. En une trentaine d’années, ces hommes ont tout essayé. Du simple scooter capable de vous transporter sous quelques dizaines de mètres d’eau, jusqu’aux voiturettes monoplaces, les puces, en passant par la fameuse soucoupe plongeante, prénommée Denise.

Mais comment aller plus loin encore, descendre à plus de 11 000 mètres sous les eaux des fosses océaniques ? L’étonnant professeur suisse Auguste Piccard trouva une réponse à cette question. En 1932, rentrant d’un voyage à plus de 17 000 mètres d’altitude dans un ballon de son invention, il se dit : “Et si je faisais la même exploration sous la mer ?”. Et il parvint, après des années d’efforts, à construire le bathyscaphe.
Il s’agit bien, en effet, d’une sorte de ballon dirigeable, mais à l’envers : au lieu de monter dans Pair en s’allégeant, il descend dans l’eau en s’alourdissant. Sa nacelle est une boule creuse, extrêmement résistante. (Pensez que si vous étiez allongé sous 11 000 mètres d’eau, vous devriez supporter sur votre corps un poids égal à celui de la tour Eiffel !)
Cette cabine se trouve suspendue sous un ballon, disons plutôt un flotteur, rempli avec plus de 100 000 litres d’essence. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’essence est plus légère que l’eau qui l’entoure. Ainsi, elle entraîne le bathyscaphe vers la surface lorsque l’équipage désire remonter. Pour s’enfoncer, le bathyscaphe s’alourdit avec plusieurs tonnes de billes de métal ; pour regagner l’air libre, il suffit de larguer cette surcharge, progressivement.
Grâce à cet engin, le fils du professeur Piccard et un Américain se sont posés, en 1960, sur le fond de la fosse des îles Mariannes, à - 11 000 mètres environ.

Des robots-plongeurs

Mais ce n’est pas tout. Les prospecteurs du pétrole ont voulu, eux aussi, poursuivre leurs recherches toujours plus profond. Pour cela, il fallait limiter l’intervention des hommes, trop dangereuse. Alors, les ingénieurs se sont mis au travail. Et ils ont réalisé les robots sous-marins !
Aujourd’hui, on ne les compte plus. Chaque grande compagnie pétrolière possède les siens. Sous l’eau, ces sous-marins inhabités vissent, nouent, grattent, fouillent. Leurs yeux ? Des caméras de télévision qui montrent ce qu’ils font aux spécialistes restés en surface. Leurs membres et leurs doigts ? Des articulations télécommandées depuis les navires ou les plates-formes. Leurs déplacements sont contrôlés par des ordinateurs. Chaque mètre du câble qui les relie aux postes de commande, en transmettant instructions et images, coûte à lui seul une véritable fortune...
Certains de ces robots ont déjà sauvé des vies humaines. Un autre a récupéré une bombe atomique emprisonnée dans l’épave d’un avion.
Mais la plupart du temps, ils ensevelissent les conduites de pétrole qui sillonnent les mers, ouvrent les vannes, vérifient des attaches...

Le “crache-plongeurs”

Malgré ces véritables exploits, les robots ne peuvent entreprendre que les travaux pour lesquels ils ont été conçus. Ils n’inventent rien. Ils ne possèdent pas l’agilité d’une main, la souplesse d’un corps humain. Il ne s’agit, après tout, que de machines, même si elles sont très perfectionnées.
Et c’est ainsi qu’est né le sous-marin “crache- plongeurs”. Comme dans les autres engins d’exploration, pilote et passagers peuvent y prendre place pour visiter les profondeurs. Mais derrière eux, dans un compartiment spécial sous pression, une équipe de plongeurs les accompagne.

Une fois sur le fond, les plongeurs ouvrent une porte, sortent du véhicule et vont travailler. Derrière le large hublot qui s’ouvre dans le nez du sous-marin, des spécialistes les suivent et les conseillent. Puis les plongeurs regagnent leur abri sous pression, et tout le monde remonte alors à la surface.
Pratique, n’est-ce pas, cette sorte de maison mobile pour chantier noyé ? Mais au fait, pourquoi ne pas s’installer directement sous les flots ? Pourquoi ne pas vivre dans de véritables maisons sous la mer ?

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